Les petits métiers correspondaient souvent à une économie de subsistance.
Le marchand d’oignons au départ en faisait partie… Cependant, il s’est développé grâce au commerce extérieur… Il faut une région propice à la culture de l’oignon, une système de vente établi, une crise et une initiative originale pour générer la naissance des Johnnies.
Le colportage de légumes a commencé au départ de Roscoff par voie de terre vers l'ouest de la France à la fin du XVIIIème siècle au cours de la crise économique qui a précédé la Révolution. Un demi-siècle plus tard, en 1828, un cultivateur roscovite, Henri Ollivier, affréta une gabarre, la chargea d'oignons et avec trois compagnons se dirigea vers l’Angleterre. Il fut ainsi le fondateur du commerce d'oignons en Grande-Bretagne. Là-bas, les vendeurs furent appelés en anglais Johnnies (« les petits Jean ») ou Johnnies Onions, et en gallois Sioni Wynwns (translittération locale de « Johnny Onions »). Le terme est passé en breton : ar Johnniged. Ils ont été surnommés ainsi car, à cette époque, ils emmenaient avec eux leurs enfants, âgés d'une dizaine d'années et petits par la taille, Yann, équivalent de John, et Yannick, équivalent de Johnny, étant en breton, des prénoms très usuels.
Les Johnnies faisaient du porte-à-porte, portant leurs oignons tressés sur leurs épaules puis, quand la bicyclette est apparue, sur leurs vélos. Souvent, les clients gardaient d'une année sur l'autre « leur » Johnny. L'activité restait cependant spéculative. Le succès de l'opération dépendait de l'absence d'avarie et du prix d'achat auprès du producteur. Jusqu'après la Seconde Guerre mondiale, les oignons étaient achetés en terre, donc à un prix sur lequel le Johnny faisait le pari qu'il serait suffisamment inférieur au futur prix de vente moyen pour que sa marge soit suffisante. Or ce prix de vente variait selon le succès de la récolte. Cependant, le climat dans la Ceinture dorée est suffisamment doux et régulier pour que le pari ne fût pas trop téméraire.
L'émigration saisonnière augmenta d'année en année. D'un millier autour de la Grande Guerre, leur effectif atteint 1 400 en 1929, année de leur apogée. La région était surpeuplée et les fermes suffisamment rentables pour nourrir les familles. Au début du XXème siècle, les légumes étaient livrés aux coopératives agricoles. Mais l'automne, morte saison, devait être rentabilisé.
Si les Johnnies ont une célébrité seulement régionale, ce n'est pas le cas au Royaume-Uni. Pour preuve, dans la célèbre série télévisée britannique « 'Allo ‘Allo ! » de 85 épisodes de 25 minutes, René, le patron de café, outre un des exemplaires de la « Fallen Madonna with Big Boobies » arbore la tenue du parfait Français : le béret, la marinière, un sac avec une baguette + un saucisson et le fameux collier d'oignons...
Le pendant du marchand d'oignons de Roscoff est le marchand de fraises de Plougastel. Jusqu'au milieu du XIème siècle, les fraises se vendaient presque uniquement à Landerneau et à Brest où elles étaient acheminées par les gabares et chaloupes à partir des petits ports de la presqu'île, l'exportation vers l'Angleterre commençant vers 1850 grâce à l'initiative d'une commerçante de Landerneau, suivie ensuite en 1865 par un négociant gascon, puis en 1867 par un commerçant de Roscoff ; ceux-ci venaient acheter les fraises directement chez les producteurs pour les revendre à Paris et à Londres. Vers la fin du XIXème siècle, trois steamers partent en saison chaque semaine de la cale du Passage à destination de l'Angleterre. À partir de 1865, la mise en service de la ligne ferroviaire Paris-Montparnasse - Brest facilite l'acheminement des fraises vers le marché parisien, le nord de la France et la Belgique (10 wagons chargés de 500 cageots chaque jour en saison à la fin de ce siècle). Quelques Plougastels commencent à exporter eux-mêmes vers le marché anglais à partir de 1879.
Un marchand moins spécialisé que les deux précédents : le marchand de primeurs. Profitant du climat tempéré généré par le Gulf Stream, les paysans bretons récoltent de nombreux fruits et légumes. Certains comme les choux et les artichauts constituent une production spécialisée, mais la région est propice à une production très diversifiée même à Plougastel où la seule fraise ne suffit pas.
Les handicapés étaient souvent miséreux, mais comme aujourd'hui, ils pouvaient s'adapter pour néanmoins survivre. Ainsi un aveugle musicien accompagné par sa fille pouvait jouer de la bombarde au coin des rues. La période des mariages pouvait lui être bien plus profitable mais cependant réduite en opportunités.
« Qui ne nourrit pas Marie l'Aveugle au moins une fois par an n'est qu'un pauvre bougre du dernier rang. Même les gens chez qui le gras est presque toujours maigre trouvent le moyen de lui offrir une soupe à la viande dont elle se torchera le museau. » Pierre-Jakez HÉLIAS « Le cheval d’orgueil »
Un autre petit métier dont je connais encore un pratiquant aujourd’hui ... Il faut dire qu'avec la chasse aux produits chimiques, mais aussi l'inefficacité des ultra-sons qui ne font que déplacer le problème, la technique ancienne est toujours d'actualité et n’est pas prêt de disparaître. Vous remarquerez que le taupier est une des très rares personnes souriant sur ces cartes postales anciennes. C'est qu'il a plusieurs tours dans son sac ! Métier à part entière qui se transmet de père en fils même si de nombreux paysans continuent à chasser eux-mêmes les taupes sur leur terrain pour causes de nuisances. Fin connaisseur des taupes, le taupier repère les galeries à partir des taupinières, c'est-à-dire les petits monticules de terre sur les terrains, puis pose les pièges destinés à les tuer. Le professionnel est souvent payé à l'hectare. En Normandie, les taupes mortes sont ensuite suspendues à des fils barbelés. Le comptage des animaux sur les fils est réalisé et les taupes sont ensuite vendues pour leur fourrure servant à la réalisation des manteaux.
Le fabricant de cuillères de bois pourrait passer pour un métier accessoire sans intérêt. Cependant quand on sait que le festin (le fricot) de noce bretonne pouvait accueillir plusieurs centaines d’invités voire plusieurs milliers. Il duranit 3 jours et que le mot d’ordre était que chacun apporte sa cuillère on comprend mieux que la consommation de cuillères était loin d’être minime.
« Est-il besoin de préciser que chacun devait emporter sa cuillère et, si possible, son couteau ! Et doit-on s’étonner de ce que les héritières et les gros bonnets se fissent établir de belles cuillères pliantes à leurs marques ! Les petites gens, eux, allaient au fricot en portant glorieusement la cuillère à la ceinture, à la boutonnière du chupenn ou dans le velours du chapeau pour faire savoir à tous, en cours de route, qu’ils allaient se charger la panse jusqu’au nœud de la gorge. »
Pierre-Jakez HÉLIAS « Le cheval d’orgueil »
D’autant plus que la cuillère de mariage en bois ouvragé, était offerte dans la coutume bretonne du XIXème siècle par l'homme à sa promise comme confirmation de son intention de l'épouser et en signe de consolidation de leurs fiançailles. Les motifs ornant ces cuillères sont généralement géométriques, mais on y trouve également souvent des cœurs. La beauté de la cuillère reflétait l'opulence du futur époux. Après la noce, la cuillère était exposée sur un mur de la maison, les cuillères d'usage courant étant rangées dans le porte-cuillères en forme de roue suspendue à l'horizontal au-dessus de la table des ménages un peu aisés.
« Mais le souvenir est resté du temps pas très lointain où les plus belles étaient faites à l’occasion des noces. Les jeunes hommes les taillaient et les ornaient pour les jeunes filles de leur choix. Le cadeau de la cuillère était une étape de leur cour. Mais beaucoup d’entre elles étaient faites par les menuisiers qui venaient dans les fermes, avec leurs outils, pour fabriquer l’armoire des noces dans le chêne ou le châtaignier que le maître avait abattu et mis en réserve depuis quelques années en prévision du mariage de son fils ou de sa fille. »
Pierre-Jakez HÉLIAS « Le cheval d’orgueil »Le vieux sur cette carte postale était heureux même pauvre. Il ne payait ni CSG, ni taxe sur l’essence, ni taxe de l’audiovisuel, ni taxe sur les tabacs, ni TVA et encore moins de taxe d’habitation. Une chopine de cidre suffisait à son bonheur… Il n’était pas ostracisé et désigné comme un nanti par le pouvoir en place. Yec’hed mat !
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les routes étaient entretenues par la corvée, obligation faite aux paysans de consacrer plusieurs jours de travail à ces tâches. Pierre Trésaguet a l’idée de mettre en place en 1764 des baux d’entretien de routes, qui sont découpées en cantons. Les ouvriers sont alors appelés des cantonniers. En 1816 les cantonniers adjudicataires sont remplacés par des cantonniers stationnaires, ouvriers permanents de l’État. Le texte accompagnant la carte postale indqiue que : « le cantonnier lui-même y est heureux, c’est un fonctionnaire ! ». C’était un beau métier !
« Je suis heureux, je suis cantonnier…. Heu-reux ! Je suis cantonnier des chemins vicinaux. Vous m'avez peut-être déjà vu, dans mon fossé, appuyé sur ma faux... Qand il pleut, je ne travaille pas ! Quand il y a de la neige, je scie du bois… Heureux ! T'en a qui tiennent le haut du pavé, moi je tiens le bas du fossé… Heureux !
Je suis payé au mois, je paye pas de loyer parce que ma femme est la concierge de l'école... Heureux!
y'en a, quand ils ont fini leur journée vers 7 ou 8 heures, ils prennent le métro ou bien ils attendent l'autobus... Moi, quand j'ai fini ma journée vers les quatre heures et demi de l'après-midi... je rentre à pied en sifflotant. C'est bien rare si dans mon panier, j'ai pas quelques champignons, des amandes sauvages, des noix ou bien des airelles. Les airelles sont des fruits très délicats qui poussent sous les sapins, sur la mousse, c'est très fin comme goût, c'est d'un bleu foncé très pur et d'un goût subtil... Vous, vous ne pouvez pas en manger à Paris parce que ça ne supporte pas le voyage alors c'est bon pour les cantonniers... Heureux!
Y'a qu'un seul jour où je m'ennuie dans la vie, c'est lorsque je suis obligé d'aller à Paris, une fois par an, parce qu'on a une tante qui invite tous ses neveux et nous sommes tous réunis autour de la table familiale...
Mon premier cousin germain, il n'a pas eu de chance dans la vie. Il a réussi à tous ses examens, il est devenu chef d'entreprise, il a sept cents employés sous ses ordres... Quel est le mot qui revient toujours dans sa conversations ? Il a des tics quand il s'exprime, y'a un mot qui revient tout le temps ? Ah oui! Im-pôt ! Im-pôt !... Nian, nian,nian... Impôt, impôt, impôt...
Qu'est-ce que ça veut dire impôt ?
J'en ai parlé à mon copain, c'est le patron du café « Au joyeux cor de chasse » ... C'est à la sortie du village, juste à l'orée du bois. Il m'a dit: « Un pot ? Un pot ? P't'être qu'ils ne pensent qu'à boire à Paris ! » Alors on a bu un pot !
Mon deuxième cousin germain, c'est le comique de la famille... Qu'est ce qu'il me fait rire celui-là, quand il cause ! Mais j'ose pas rire devant lui, parce que c'est vexant... Vous savez ce que c'est, rire quand quelqu'un cause, c'est vexant ! Il est professeur de philosophie, il passe sa vie à étudier ce que les autres pensent. Il passe des nuit entières... Qu'est ce qu'il dit ? Ah! oui ! J'ai essayé de l'apprendre par coeur tellement ça m'a fait rire ! Il disserte sur le rapport qu'il y a entre la pensée de Blaise Pascal qui a dit: « Oui ! Moi, je crois parce que j'ai la foi… » , par rapport à l'anticlaricalisme de Voltaire qui a dit : « Moi je ne crois pas, mais j'ai la foi en ce que je ne crois pas ! »
Des nuits entières il pense à ça et moi pendant ce temps-là, la nuit, je dors… Heu-reux!
Il n'y a pas que des gens, des professeurs de philosophie dans la vie, y'a des gens qui ont des professions utiles...
Mon troisième cousain germain, je n’ose pas en parler parce que c’est le diminué de la famille quand il est en voiture il ne peut pas voyager comme tout le monde. Il lui faut une cocarde bleu, blanc, rouge sur son pare-brise. Il est député ou sénateur. il lui faut un flic devant, un flic derrière pour laisser passer...
Mon quatrième cousin germain, c'est le toubib… C’est le plus chouette de tous, lui connait la vie ! Quand mon regard rencontre le sien nous nous comprenons, nous sommes toujours sur la même longueur d'onde... Il est chouette. Il me sort toujours d'embarras. L'autre fois, il y a le philosophe qui a dit: « Homme naïf, toi qui ne connait ni le grec ni le latin, prouve-moi d'une façon concrète que tu es heureux ? »
Et le toubib a répondu pour moi alors que je rougissais: « Oh! Tu as déjà vu, toi, un cantonnier qui faisait la grève ! »
Heu-reux ! Je suis Heu-reux !
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