samedi 10 novembre 2018

3. Les petits métiers d'hier aujourd'hui disparus... : Les métiers du lin, du chanvre et de la laine

 
D’après le site Lin & Chanvre de Bretagne
 
Comme dans l’ensemble du vieux continent, le lin et le chanvre sont employés au quotidien par les habitants de la région. Peu à peu, leur production se développe et des territoires de spécialisent pour nourrir un commerce à grande échelle à destination des pays étrangers. Le lin est employé pour la confection du linge de maison (draps, nappes...), des chemises fines... tandis que le chanvre est utilisé pour les voiles des navires, sacs, cordages, toiles rustiques et vêtements de travail. Ils sont parfois associés à la laine au cours du tissage afin d'obtenir des étoffes confortables appelées berlinges ou berlingues. Le développement de la marine à voile et des échanges internationaux entre pays européens et à destination des nouveaux mondes contribuent à augmenter la demande de toiles de lin et de chanvre. 
 
Les graines de lin importées de Lituanie, via la Baltique et les Flandres, par le port de Roscoff, sont semées dans les sols fertiles de la côte Nord. Le chanvre est cultivé autour de Locronan ou dans le bassin de Rennes. Les différentes étapes de transformation des fibres sont réalisées par des paysans et constituent une activité de complément. Les toiles sont ensuite exportées vers l'Angleterre et l'Espagne par les ports de Saint-Malo, Morlaix, Landerneau...
 
 
Ces activités utilisent une main d’oeuvre importante et donnent lieu à nombreuses activités ou métiers à part entière. Dans les campagnes, toutes les mains, des enfants aux adultes, participent à la transformation des fibres à l’une ou l’autre de ses étapes, du semis des graines au filage. Le paysan alterne entre les activités liées à la toile et les travaux de la ferme. Le tissage est pratiqué soit par des paysans-tisserands, soit par des hommes dont c’est la seule ressource.
 
 
 
On estime ainsi à 25000 le nombre de tisserands en Bretagne au XVIIIème siècle. Ceux-ci peuvent être itinérants ou installés dans un territoire ou une ville spécialisée dans le commerce des toiles, telle que Nantes, Dinan, Fougères, Loudéac, Uzel, Quintin ou Locronan. Il en est de même du métier de tailleur. La fabrication du cordage a été réservée pendant un temps aux personnes souffrant de la lèpre donnant à ce métier une mauvaise réputation. Les lieux où il se pratiquait, encore appelés maladrerie ou corderie, sont souvent éloignés des bourgs. Sur les navires au long cours, des matelots appelés voiliers sont préposés à la réparation ou à la couture de voiles pendant les traversées. Au cours du XVIIIème siècle, les forçats du bagne de Brest sont employés pour la fabrication des cordages et voiles armant les bateaux de la flotte royale puis impériale. 
 
 
 
Les conflits qui opposent la France aux états européens à partir du XVllème siècle ralentissent les exportations et amorcent le déclin des manufactures de toiles bretonnes. Quant au marché intérieur, il se réduit dans la seconde moitié du XlXème siècle lorsque la vapeur remplace la voile dans la Marine. La concurrence des filatures de coton du Nord provoque également la diminution de l’usage du lin et du chanvre. Un sursaut industriel marque le XIXème siècle avec la mécanisation des corderies et des ateliers de toiles. 
 
 
 
 
 
 
 
 
De chanvre ou de lin, la production de toile fut la principale industrie bretonne du XVIème au XVIIIème siècle. Cette activité fut à l'origine d'une prospérité économique sans précédent pour de nombreuses cités marchandes ainsi que pour les ports bretons tels que Morlaix et Saint-Malo, à une époque que l'on reconnaît comme étant l'Age d'Or de la Bretagne. Le chanvre était utilisé pour fabriquer des toiles solides et grossières, servant à l'emballage des marchandises ou à la réalisation des voiles de navires. Venue de la Baltique, la graine de lin arriva à Roscoff en 1490 ; c'est alors qu'a pu débuter la production bretonne. Le lin est alors cultivé intensivement. De grande qualité, il est destiné à la confection de toiles plus fines et plus chères que le chanvre, pour les vêtements et le linge de maison. Produits de renom, les toiles bretonnes font alors l'objet d'une intense activité commerciale sur les mers d'Europe. C'est ainsi que les toiles de lin du Léon, par exemple, sont envoyées en Angleterre. L'industrie rurale fait vivre la région, s'appuyant sur des savoir-faire tels que le filage, et procurant du travail à de nombreux métiers, tels que le paysan producteur de lin, le tisserand et le marchand colporteur. L'heure de la décadence de l'industrie toilière bretonne a sonné au début du XIXème siècle. Toutefois, l'industrie toilière bretonne n'a pas sombré dans l'oubli car elle continue de marquer le paysage et les mémoires dans la seconde moitié du XXème siècle. De nombreuses traces matérielles portent la mémoire de cet Age d'Or. Tréguier, capitale historique du Trégor, était le lieu de production du meilleur lin et du meilleur chanvre de Bretagne. En fond de l'estuaire de la Rance, Dinan est une cité textile, dont la production de voiles de navires assura l'essor jusqu'au XIXème siècle. Les demeures des riches marchands, comme les maisons en granit de Locronan et les enclos paroissiaux du Léon, à l'image de celui de Plougastel, témoignent de la prospérité économique issue de l'activité toilière. Sur le point d'être oubliée, cette tradition fait l'objet d'une certaine attention dans les années 60. En continuant de faire fonctionner les métiers à bras des tisserands, on renoue avec les savoir-faire, tout en souhaitant les faire perdurer.
 
Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2
 
 
 
 
«  Quand Pierre-Alain, mon père, épousa Marie-Jeanne Le Goff, il n'avait qu'une lieue à parcourir pour passer de la ferme de Kerveillant, en Plozévet, au bourg de Pouldreuzic où il allait vivre désormais avec sa femme. Il vint à pied, le torse bien droit, parce qu'il portait, sur la tête, une pile de vingt-quatre chemises de chanvre qui constituaient le plus clair de son avoir. En effet, ces chemises étaient à peu près tout ce que sa mère, Catherine Gouret, avait pu lui préparer pour son mariage. Le chanvre en avait été récolté, roui, broyé à Kerveillant et filé au rouet par Catherine elle-même. Comme d’habitude, ni plus ni moins. Avec le fil obtenu, on avait fait deux écheveaux qu'on avait portés au tisserand. Le premier, de chanvre pur, devait servir à faire des sacs de pommes de terre. Au second étaient mêlés des fils de laine pour adoucir le tissu. Celui-là fournirait les chemises de la maisonnée. Ensuite, les chemises et les sacs devaient se rencontrer immanquablement sur le dos des gens, les unes supportant les autres et généreusement rapiécées comme eux lorsque l’usure montrerait la peau de l’homme ou celle de la pomme de terre. » 
 
Pierre-Jakez HÉLIAS  «  Le cheval d’orgueil » 
 
 
 
 
 
 
 
 
«  Pour aller à l’école, en octobre, comme il ne fait pas encore froid, ma mère m’a fait retailler un uniforme kaki de mon oncle Jean qui a servi des années en Indochine avant de revenir se faire tuer sur le front, à Tahure. Il en reste un autre, presque neuf, dans la cantine. Je suis donc pourvu pour longtemps. On a seulement changé les boutons de la veste. Elle flotte un peu beaucoup sur ma chemise, mais c’est en prévision d’un gilet de laine que ma mère m’a tricoté pour l’hiver. D’ailleurs, elle est un peu trop longue et trop large de partout parce que je dois grandir. Le pantalon me descend à mi-mollets. J’ai des bas de laine bleue, ouvrage de ma mère aussi, de même que les chaussons. Une paire de sabots tout neufs, cloutés par mon père, passés au cirage et qui brillent comme un soleil noir. » 
 
Pierre-Jakez HÉLIAS  «  Le cheval d’orgueil » 
 

«  Cela ne faisait que dix-huit kilomètres pour aller et revenir à pied et ce n’était pas du temps perdu. En trottinant, elle faisait de la dentelle au crochet qui lui rapportait quelques pièces blanches pour s’acheter des mouchoirs et des tabliers quand elle avait réussi à joindre les deux bouts. »


Pierre-Jakez HÉLIAS  «  Le cheval d’orgueil » 
 

 

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