La première guerre mondiale a été le support de plusieurs révolutions. Les femmes obligées de faire tourner les fermes familiales seules et développant la mécanisation du travail pour suppléer le manque de bras. L’industrie de guerre nécessitant une nouvelle main d’œuvre composée essentiellement de femmes a été la preuve qu’elles pouvaient travailler en dehors du domicile familial et, qui plus est, en suppléant les hommes dans nombre d’activités qui leur étaient jusqu’ici dévolues. La large saignée dans la pyramide des âges a complété durablement cette émancipation bien au delà des quatre années de guerre. D’un autre côté, les « gueules cassées », avec des incapacités visibles ou non, ont générés ou perpétués des petits métiers de survie. Cette période du début du XXème siècle a permis de mettre en évidence de nombreuses activités aujourd’hui disparues de Bretagne (et de France) mais qui subsistent encore dans les pays non développés.
Avec des cartes postales d’époque, ces métiers que mon père a connu méritent d’être mis en exergue pour se rappeler de cette économie de subsistance qui existait il y a un siècle.
Je commencerai avec le marchand de cheveux. C’est plutôt un métier d’homme car il faut être colporteur et se déplacer de village en village. C’est un métier de troc, en échange d’une coupe sévère et la perte d’une chevelure abondante cachée sous la coiffe, la femme récupérait des colifichets, des pièces de tissu, des babioles mais rarement de l’argent.
Souvent les jours de grandes fêtes et jours de foire, le marchand de cheveux attire les passantes et les convainc de lui vendre leurs cheveux. C’est rarement une somme d’argent qu’il leur offre en échange, mais quelque menu ornement de toilette, un fichu en toile, un bonnet neuf et léger. Elles choisissent parmi les colifichets qui les attirent et les émerveillent, puis elles défont leurs coiffes, laissent ses cheveux se dérouler sur leurs épaules. Les paquets de cheveux s’entassent dans le sac de l’acheteur de chevelures, le lendemain il fera une autre localité proche, et ainsi de suite, tant que durera la saison de cette moisson d’un nouveau.
Victor Hugo dépeignit la longue descente aux enfers de Fantine qui pour satisfaire aux demandes pressantes d’argent des Thénardier sacrifia ce qui faisait sa beauté en commençant par ses longs cheveux blonds :
« Fantine gagnait trop peu. Ses dettes avaient grossi. Les Thénardier, mal payés, lui écrivaient à chaque instant des lettres dont le contenu la désolait et dont le port la ruinait. Un jour ils lui écrivirent que sa petite Cosette était toute nue par le froid qu’il faisait, qu’elle avait besoin d’une jupe de laine, et qu’il fallait au moins que la mère envoyât dix francs pour cela. Elle reçut la lettre, et la froissa dans ses mains tout le jour. Le soir elle entra chez un barbier qui habitait le coin de la rue, et défit son peigne. Ses admirables cheveux blonds lui tombèrent jusqu’aux reins.
– Les beaux cheveux ! s’écria le barbier.
– Combien m’en donneriez-vous ? dit-elle.
– Dix francs.
– Coupez-les. »
Fantine est l’occasion toute trouvée de la transition vers un autre métier perdu au sens propre mais dont le souvenir se perpétue au travers des menteurs d’aujourd’hui, à commencer par nos politiques : vous avez reconnu
l’arracheur de dents !
« Comme elle passait sur la place, elle vit beaucoup de monde qui entourait une voiture de forme bizarre, sur l'impériale de laquelle pérorait tout debout un homme vêtu de rouge. C'était un bateleur dentiste en tournée, qui offrait au public des râteliers complets, des opiats, des poudres et des élixirs.
Fantine se mêla au groupe et se mit à rire comme les autres de cette harangue où il y avait de l'argot pour la canaille et du jargon pour les gens comme il faut. L'arracheur de dents vit cette belle fille qui riait, et s'écria tout à coup : — Vous avez de jolies dents, la fille qui riez là. Si vous voulez me vendre vos deux palettes, je vous donne de chaque un napoléon d'or.
— Qu'est-ce que c'est que ça, mes palettes ? demanda Fantine.
— Les palettes, reprit le professeur dentiste, c'est les dents de devant, les deux d'en haut.
— Quelle horreur ! s'écria Fantine. »
Victor Hugo croque le métier d’arracheur de dents : ce n’est pas un dentiste qui soigne des dents abîmées mais un rapace qui recherche de belles dents saines pour ses clients riches édentés…
En plus, il est bien plus facile d’enlever les dents de face et ce sont celles qui sont très demandées par les riches clients édentés !
Pour convaincre les patients de se faire arracher leurs dents, les arracheurs de dents, qui exerçaient leur art sur les marchés, places publiques et foires, n'hésitaient pas à leur prétendre fermement que l'arrachage serait complètement indolore. C’est comme nos politiques qui nous font croire que les impots sont indolores !
On trouvait souvent les arracheurs de dents lors des marchés locaux et parfois le barbier pouvait avoir cette fonction. Les arracheurs de dents se recrutaient souvent aussi parmi les forgerons qui, en plus d'une poigne solide, montraient une grande dextérité à manier les tenailles. Une bolée de lambig servait indistinctement d'anesthésique et de désinfectant. Heureusement, l’arracheur de dents extrayait aussi des dents cariées de patients qui n’avait pas le loisir de pouvoir se payer un dentiste.
Je poursuivrai dans les épisodes suivants avec de jolis métiers comme ramasseur de goémon, tisseur de lin, crieur public, rebouteux, porteuse de lait ou d’eau (c’est un mérier féminin !), meunier de moulin à marée, barbier, pécheur à pied, bergère, fabricant de chapeaux, vétérinaire, marchande de complaintes et de chansons populaires, fileuse, rebouteux, ardoisier, couvreur en chaume, bouilleur de lagout, sculpteur sur rochers, boulanger, ardoisier, peintre sur céramique...
À suivre...
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