mercredi 20 février 2019

Les marées et Pythéas : quand un Marseillais était pris pour un fada quand il disait entre autre qu'il avait vu des marées avec des marnages immenses....

 Un paramètre qui va influencer la plupart de nos futures étapes sur le chemin des douaniers dépend des marées, c’est l’heure de basse mer (notée BM). Selon le coefficient de marée, l’océan peut découvrir des zones plus ou moins grandes et en particulier permettre l’accès à de nombreuses îles ou îlots à pied. Pour de longues randonnées, c’est aussi l’assurance de marcher en ligne droite sur le terrain dégagé, plutôt plat et de raccourcir certaines étapes.
 
Les mouvements de marée ont été observés depuis la nuit des temps. Par contre, la compréhension de l’origine des marées est récente sur l’échelle de temps des hommes. Herodote avait observé des marées en Mer Rouge, Alexandre le Grand en Inde. Mais c’est Pythéas qui a observé les grandes marées de l’Océan Atlantique et a fait le lien avec la lune en discutant avec les Celtes. Ce « Marseillais » fit un voyage extraordinaire vers -325 avant JC qui le mena via le détroit de Gibraltar à faire le tour de la Grande Bretagne, à décrire le soleil de minuit et à rejoindre l’île de Thulé. Auparavant, Pythéas détermina la latitude du port (Λακυδω le Lacydon) de Massalia (Μασσαλία) avec une précision incroyable pour l'époque à l’aide d’un gnomon, le plus simple des outils d’observation astronomique. Dix-neuf siècles plus tard, Pierre Gassendi refît les mesures le 21 juin 1638 et trouva une différence de 17’ ; vingt-trois siècles plus tard, la latitude de Marseille est établie à 43° 18′, à 5′ de la valeur calculée par Pythéas, 43° 13′...
Marseille fut ainsi la première ville du monde dont on connut exactement la position géographique ! (*)
 
Au cours de son voyage, avec un acatium plutôt qu’un pentécontore, Pythéas fit une halte en Bretagne à la latitude de 48°42´ (il nota avec son gnomon portatif la longueur de l’ombre de ce jour qu’il compara à longueur de l’ombre du même jour à Marseille qu’il avait dans sa base de données et trouva ainsi la latitude de son port d’accueil sans attendre sur place une équinoxe). Cette latitude correspond à la latitude de Roscoff, mais c’est probablement le Yaudet (**) qui fut précisément le lieu où il s’arrêta. Je renvoie les lecteurs passionnés par l’immense explorateur que fut Pythéas à la lecture de l'excellent site fort détaillé qui lui est dédié : Pythéas de Marseille. d’où je tire la carte du monde élargi  par les apports du célèbre navigateur, géographe, mathématicien et astronome...
 

En -325 avant JC, la Bretagne était bien décrite avec deux caps, la Grande Bretagne était un triangle que jouxtait l’Irlande, au nord à 6 jours de mer, l’île de Thulé (***). La Norvège, la Suéde et la Finlande était des îles au nord de la mer Baltique... et Massalia était le centre du monde !

 
 
Le phénomène des marées serait très simple à calculer s’il ne s’agissait que de mécanique céleste. Mais, il faut également tenir compte de l’inertie du déplacement de l'eau, des effets induits par la marée elle-même et les déformations terrestres, la propagation des ondes différentes induites par des facteurs tels que la force de Coriolis, la taille et la forme des bassins. Ainsi l’ouverture d’un bassin, sa profondeur influent sur l’importance des marées. Pour la Terre, seuls la Lune et le Soleil ont des impacts significatifs, qui s'additionnent ou se contrarient selon les positions respectives de la Terre, de la Lune et du Soleil, et de leur inclinaison. En fait, la Lune est beaucoup plus proche de la Terre que le Soleil, mais a aussi une masse beaucoup plus petite, de telle sorte que leurs attractions sont d'ordres de grandeur comparables : celle du Soleil est environ la moitié de celle de la Lune. Mais, la surface terrestre comme lunaire est sensible aux forces d’attraction qui conduiraient à une amplitude de 40 centimètres de la croûte terrestre et une forme d’ellipsoïde pour la Lune qui expose toujours la même face vide la Terre.
 
Chose surprenante le phénomène des marées en créant ces mouvements de la structure terrestre et des océans  engendre des frottements, cette dissipation d’énergie sous forme de chaleur est prélevée sur l’énergie cinétique de rotation de la Terre. Pour conserver le moment cinétique, la distance Terre-Lune s’accroît de 3,8 centimètres par an... Cette petite réduction de l’énergie cinétique, entraîne un ralentissement de la vitesse de rotation de la Terre qui entraîne un rallongement de la durée des jours. Actuellement, la durée d’une journée augmente d'environ 2 millisecondes par siècle.
 
Revenons à l’histoire,  Posidonios au premier siècle avant J.-C. à Cadix décrivit les trois phénomènes périodiques liés aux marées. Il relia les deux marées quotidiennes aux deux culminations de la Lune ; la période semi-mensuelle aux syzygies avec le Soleil et la période semi-annuelle aux marées d'équinoxe. Il évalua correctement le décalage entre le passage de la Lune et le soulèvement des eaux.
 
Le marnage est la différence de hauteur d'eau entre le niveau de la pleine mer et celui de la basse mer. La zone alternativement couverte et découverte par la mer, limitée par ces deux niveaux lorsqu'ils sont à leur maximum, est appelée l'estran ou zone de marnage.
 
Le coefficient de marée varie de 20 à 120, il indique la force de la marée. Le coefficient moyen est 70, 20 pour la plus petite et 120 pour la plus grande possible. La dernière très grande marée eut lieu le 21 mars 2015. Elle afficha un coefficient  de 119. Le terme de « marée du siècle» est en réalité « abusif » car ces marées de coefficients 119 ou 120 se produisent en moyenne tous les 18 ans. Les prochaines sont prévues les 3 mars 2033 et 14 mars 2051, avis aux intéressés, motez les dates dans vos calendriers. Cependant, les marées de coefficients autour de 115, plus fréquentes, présentent des marnages équivalents. Par ailleurs, les risques de submersion sont également sensibles aux baisses de pression atmosphérique ( l’élévation de l’océan est estimée à un centimètre pour chaque hectopascal (hPa) en moins), au vent et aux vagues. Autrement dit, un coefficient de marée de 120 en condition anticyclonique est bien moins spectaculaire qu’une PM avec un coefficient de 100 associé à une tempête d’équinoxe...

Les grandes marées ou marées de vives-eaux se produisent lorsque la Lune et le Soleil se trouvent en conjonction ou opposition (syzygie) par rapport à la Terre : ce sont les situations de pleine ou de nouvelle lune. Ce phénomène explique que les plus grandes marées (marées d'équinoxes) ont lieu lors de la première syzygie qui suit l'équinoxe de printemps (21 mars) ou d’automne (21 septembre).

À l’inverse, les marées sont faibles (marées de mortes-eaux) lorsque la Lune est à 90° de l'axe Soleil-Terre (situation de premier ou dernier quartier). De même, les plus faibles marées ont lieu aux alentours des solstices d'été (21 juin) et d'hiver (21 décembre).
 
Si la hauteur de marnage pour une marée de coefficient 100 est connue, alors il est possible de calculer les hauteurs de basse mer (BM) et pleine mer (PM) à partir du coefficient de la marée considérée. 
La hauteur de BM d’une marée est égale au produit de la moitié de la hauteur de marnage coefficient 100 par (120 - coefficient de la marée)/100. 
La hauteur de PM de cette marée est égale au produit de la moitié de la hauteur de marnage coefficient 100 par (120 + coefficient de marée)/100. 
 
Le site de Météo Consult Marine délivre gratuitement les informations présentes et futures relatives aux marées du futur. C’est ce qui m’a permis d’envisager des raccourcis et des accès à des îles dès la phase de préparation. Il ne reste plus qu’à marcher !
 
 
(*) La longitude n’a été mesurée avec précision qu’au XVIIIème siècle grâce à des chronomètres précis qui ne dérivaient pas sur de longues périodes. À cette époque, il y avait longtemps que les grands navigateurs avaient fait toutes leurs découvertes sans savoir ce qu’ils allaient trouver, à partir de cartes inexistantes ou bien pour le moins fantaisistes...
 
(**) Le Yaudet est une véritable forteresse naturelle dominant l’estuaire du Léguer qui s’étend sur 10 hectares. Ce lieu stratégique, occupé depuis l’âge du fer, fortifié aux  IIIème et IVème siècles et occupé jusqu’au moyen âge, a bénéficié de fouilles archéologiques qui ont révélé la présence de vestiges témoignant d’une fréquentation dès le Mésolithique (entre -10000 et -5000 ). Deux fours de l'Âge du fer y ont été retrouvés par les archéologues comme des monnaies carthaginoises. Pythéas pourrait avoir été guidé par un pilote Carthaginois depuis les colonnes d’Hercule et qui le conduisit jusqu’à ce port. Nous y ferons halte à la fin de la 20ème étape et nous aurons une pensée pour le gnomon de Pythéas...
 
 (***) L’île de Thulé fut décrite par Pythéas comme étant à 6 jours de navigation de la Grande-Bretagne soit environ 900 kilomètres du nord de l’Écosse. C’est probablement l’Islande qui  est à la bonne distance... il vit encore plus au nord la banquise, encore une histoire de fada : raconter à Massalia et ailleurs qu’au nord la mer est gelée...

samedi 16 février 2019

Les mégalithes : dolmens, menhirs, cromlechs....

 

Un autre symbole de la Bretagne : le mégalithe. Tous les mégalithes ne sont pas en Bretagne mais il y en a beaucoup, c’est l’endroit au monde qui concentre le plus grand nombre de ces colosses de pierres : dolmens, menhirs, cairns, alignements, cromlechs érigés dès 4800 ans avant notre ère. Plus de 35 000 de ces monuments emblématiques ont à ce jour été dénombrés sur le continent européen, la carte tirée de Wikipedia montre la large implantation de ces pratiques même si la Bretagne devrait être couverte d’étoiles...

  



 

L’importance de la Bretagne est attestée par plusieurs mots qui qualifient les mégalithes :

Menhir vient du breton maen, « pierre », et hir, « longue ».

Ces menhirs peuvent être groupés en alignements, des arrangement de monolithes verticaux selon une ou plusieurs rangées dont les plus étonnants se trouvent près de Carnac.

Cromlech ne vient pas du breton mais du gallois (c’est presque pareil) crwm « courbé » (crom au féminin), et llech, « pierre plate » qui signifie pierres plates placées en courbe. la définition retenue est monument mégalithique composé de plusieurs dizaines de  menhirs disposées en cercle. Il existe des dispositions en rectangle qui ne répondent cependant pas à la définition de cromlech.

Dolmen veut dire table de pierre en breton : t(d)aol (apparenté au latin tabula), « table », et men, « pierre ». Les dolmens étaient des sépultures collectives à caractère réutilisable. Cela explique que, dans certains dolmens, on ait pu découvrir les restes humains de plusieurs centaines d'individus et du mobilier de périodes différentes (Néolithique, âge du cuivre, du bronze, du fer, ou même périodes plus tardives). Un peu à l'image des caveaux familiaux de l'époque contemporaine, les dolmens pouvaient servir bien plus longtemps qu'aujourd'hui, et il est sûr que certaines tombes ont dû servir durant des siècles. Il est d’usage de distinguer trois types de dolmens. Dans les dolmens simples, la chambre ouvre directement sur l'extérieur. Ils sont généralement composés de deux à trois orthostates et d'une dalle de chevet. Les dolmens à couloir, parfois aussi appelés tombes à couloir, sont des dolmens où l'entrée de la chambre communique avec l'extérieur par un couloir, axial ou non, de dimensions très variables. Les dolmens en allée couverte se caractérisent par une chambre très allongée, distincte ou non du couloir.

Cairn pourrait aussi venir du breton karn, que l'on retrouve dans la toponymie, là où il y a des cairns dolméniques : île Carn, Pors Carn, Carnac, Carnoët… Même si le mot est aussi utilisé par d’autres Celtes du Nord, les Écossais.

Tumulus est un autre mot associé aux constructions mégalithiques, issu du latin tumulus (au pluriel tumuli) qui désigne une éminence artificielle, circulaire ou non, recouvrant une sépulture. Un tertre n'est fait que de terre, un tumulus est fait de terre et de pierres et, enfin, un cairn est fait uniquement de pierres.

Le mégalithisme en Europe occidentale aurait émergé dans un laps de temps très court, en 200 à 300 ans au cours de la seconde moitié du cinquième millénaire dans les régions côtières de Bretagne. Le mégalithisme, auquel on attribue des fonctions religieuses et funéraires, œuvre des premières sociétés agricoles qui vivaient dans ces régions, se serait ensuite diffusé via des itinéraires maritimes, le long des côtes atlantiques et méditerranéennes, ainsi qu’en direction de l’Angleterre, l’Irlande et la Scandinavie, au cours de trois périodes majeures.

Bettina Schulz Paulsson, archéologue suédoise, a repris la totalité des analyses connues de datation, soit plus de 2700 analyses au carbone 14, auxquelles elle a appliqué une méthode statistique dite bayésienne  C’est peu de temps après leur apparition en Bretagne que ces structures se seraient répandues à travers ce qui est aujourd’hui la France (4700 monuments survivants recensés). Les îles anglo-normandes, la péninsule ibérique et les pourtours européens de la Méditerranée (Corse, Sardaigne, Italie) furent ensuite conquis. Plus tard, dans la première moitié du 4ème millénaire, une nouvelle phase d’expansion a permis à des milliers de ces productions de proliférer sur le littoral atlantique ainsi qu’en Angleterre, Irlande, Écosse. Enfin, des constructions mégalithiques sont apparues dans la deuxième moitié de ce même millénaire en Allemagne, aux Pays-Bas et en Scandinavie. La Bretagne est naturellement la mère du mégalithisme européen. 

Alors, nous allons avoir la chance de voir de nombreux de ces mégalithes en bord de mer, dont plusieurs valent à eux seuls le voyage… Certains ont les pieds dans l’eau preuve que sur la période le niveau de l’eau s’est élevé.

Malheureusement, en Ille et Vilaine, un seul monument est proche du GR34 c’est l'allée couverte du Moulin de la Roche-Plate à Saint-Lunaire (proche en voiture mais loin à pied…), elle est de plus en mauvais état. Les Côtes d’Armor sont plus propices à visiter des mégalithes côtiers, surtout au nord-ouest de Lannion. C’est normal, c’est là où se trouve le village Gaulois. Les côtes du Finistère nous offriront aussi plusieurs mégalithes intéressants dont le grand cairn de Barnenez ou l’allée couverte de la pointe du Souc'h. Mais c’est le Morbihan qui sera le plus intéressant avec les alignements de Carnac, les mégalithes de Locmariaquer… Comme nous terminons notre court parcours en Loire-Atlantique nous ne verrons que qulques mégalithes autour de Guérande et du Croisic.

 

 

dimanche 3 février 2019

Corps de garde et maisons des douaniers


Il n’existe pas d’étape pendant lesquelles nous ne rencontrerons pas de corps de garde, encore entiers ou réduits à l’état de ruines. On découvre encore de nos jours ces vieux édifices à partir de recherches sur le terrain basées sur des cartes anciennes… 

Au début du XVIIème siècle, la Manche est infestée de pirates de toutes sortes, que ce soient les Dunkerquois, les Anglais et surtout les barbaresques. Afin de protéger nos côtes et nos ports, dès 1626, la construction de frégates fut réalisée pour naviguer le long des côtes du royaume. Ces petits bâtiments rapides et agiles étaient particulièrement aptes pour chasser les intrus. D’autre part, comme les milices villageoises italiennes du XIIème siècle, on fit appel aux populations côtières pour surveiller les rivages. Les premières ordonnaces datent de 1475. Elles prévoyaient qu’en temps de paix que le droit de guet était payé à l’amiral mais qu’en temps de guerre ou suspects le service était réellement effectué. Ainsi sous Louis XI en 1475 le droit coûtait 5 sols par feu. Les garde côtes étaient dirigés par des capitaines agissant sous l’attache de l’Amirauté. Ils faisaient chaque année la revue des habitants des paroisses sujettes au guet de la mer. L’âge des habitants retenus allait de 16 à 60 ans, mais les matelas, charpentiers de navire ou autre ouvriers de la Marine, déjà tenus au service du roi y échappaient comme ceux qui avaient déjà servi pendant 30 ans de guerre dans la garde-côte. En fait, un nombre réduit de paysans supportait cete charge. La présence aux convocations était impérative sous peine d’amende en temps de paix et de galère puis de bagne en temps de guerre. Les habitants retenus doivent disposer dans leur maison d’un mousquet ou fusil, d’une épée, d’une demie livre de poudre et deux livres de balle complétés plus tard d’une baïonnette. Plus tard, devant le risque de révolte, en 1757, les arme durent être déposées dans un magasin, ce qui permit l’uniformisation des armes, des pièces de rechange et des munitions. En période de guet, les signaux se faisaient de jour par fumée et de nuit par feu. Puis plus tard, on utilisa des pavillons et mêm des coups de canon. Les corps de garde étaient construits par les paysans eux-mêmes. « Les corps de garde lorsqu'on en aura besoin, seront construits par corvée des paroisses de la capitainerie où ils seront établis ». Aussi, celles-ci doivent fournir gratuitement la main d'œuvre, les matériaux de construction ainsi que le mobilier et les ustensiles nécessaires pour y rendre possible une présence permanente en cas de conflit. Puis plus tard, pour lutter contre la contrebande, celle du « faux-tabac », des employés des Fermes se postent dans les corps de garde qui constituent de bons points d'observation pour guetter tout mouvement suspect aux abords des côtes. C'est d'ailleurs de cette manière que deux « gabelous », en 1784, assistent en pleine nuit et depuis le corps de garde du Port Moguer, dans la paroisse de Plouha, au pillage d'un navire naufragé.

Le fameux corps de garde de Menehan enchâssé entre des rochers.


Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des Finances sous Louis XIV, considéré comme le père de la douane moderne, met en place, en 1667, un tarif national aux frontières françaises. Une taxe est alors prélevée sur les marchandises qui passent les frontières, le but étant de restreindre le plus possible l'entrée des produits anglo-hollandais, permettant ainsi à la France d'exporter beaucoup et d'importer peu. C'est ce contexte qui amène l'État français à surveiller ses côtes pour empêcher la contrebande. En Bretagne, en 1791, le sentier douanier est alors créé. À la veille de la Révolution française, c'est la Ferme générale qui se charge de percevoir les droits de traite et les droits indirects tels que la gabelle sur le sel. C'est d'ailleurs de la gabelle que vient l'origine du mot «gabelou», utilisé à l'époque pour nommer les douaniers.
Le douanier appartient à une brigade. Chacune d'elles a en charge une penthière, territoire reproduit sur un tableau qui fait office de plan : les sentiers, les points de stationnement ou encore les lieux-dits y figurent. Ces indications sont accrochées au mur de chaque corps de garde. L'ensemble des côtes bretonnes est alors divisé en plusieurs penthières.
Faute de Bretagne, un petit coin des Ardennes sous le contrôle des Gabelous...


Pour empêcher la contrebande, les douaniers ont accès à une zone large de 60 kilomètres, qui part du littoral jusque dans les terres, et ce tout au long des côtes. À l'époque, le sentier représente la frontière française, et le «gabelou» chemine à pied le long du littoral, jour et nuit et par tous les temps. Il s'arrête parfois pendant de longs moments à des postes fixes, desquels il observe les endroits propices aux débarquements frauduleux. Chaque douanier passe trois fois par jour le long du sentier, ce rythme étant contrôlé par un chef de brigade, chargé de contrôler le respect de cette consigne. Difficile alors pour le contrebandier d'échapper au douanier. Pourtant, à l'époque, d'intenses trafics existent aux frontières bretonnes, notamment du côté de Guérande. Le sel étant très recherché, puisqu'il permettait de conserver les denrées, il alimente l'une des contrebandes les plus connues, celle des «faux sauniers». Ces contrebandiers font alors transiter le sel de Bretagne jusqu'au Maine sans s'acquitter de la gabelle.
Des « gabions », petits abris en pierre sèche, sont installés sur la côte pour les gabelous en sus des corps de gardes préalablement existants. Quelques traces de fondation de ces gabions existent encore. Mais l’on aperçoit aussi, ici et là, au fil des chemins, des maisons de douaniers, des tours de guet ou des corps de garde, dont certains ont été très bien restaurés.

Les éperons barrés


Je n’ai pas compté le nombre d’éperons barrés côtiers que j’ai trouvé en épluchant les cartes détaillées le long du sentier des douaniers…
 
En fait, la Bretagne a généré ces éperons barrés à cause de ses côtes rocheuses escarpées propices à une défense aisée. Mais cette technique n’a pas été utilisée seulement en Bretagne et pas que sur ses côtes. Chaque fois qu’un lieu est inaccessible sur un large périmètre, il a pu être retenu des millénaires auparavant comme éperon barré, un lieu facile à défendre avec un minimum de travail préparatoire.

La Bretagne a conservé les vestiges de ces spectaculaires éperons barrés, utilisés dès l’Age du Fer, et qui ont joué tout au long de cette période un rôle de refuge pour les populations. Ce sont les ancêtres des oppida celtiques et des châteaux forts médiévaux.
 Le relief des côtes rocheuses est propice à l’établissement de camps retranchés. Les falaises de l’éperon défendent le camp de toute attaque sur une très grande partie du périmètre de l’isthme. Seul l’accès sur la pointe nécessite d’être fortifié par l'homme.  Fossés profonds et de levées de terre font barrage à l’arrivée des assaillants. Une ou plusieurs entrées fortifiées permettent d’accéder à l’espace préservé. C’est en quelque sorte un château-fort du néolithique, qui permet de résister à un siège mais qui suppose que les assaillants abandonnent l’encerclement à cause de l’impossibilité de la conquête, car il n’y a pas d’autre issue non plus pour les assiégés.
 
 L’éperon barré de Lostmarc’h est caractéristique de ces lieux naturels défendus. Vers 500 avant J.-C., les Celtes, habitants du lieu, se réfugiaient, en cas de danger momentané, au cœur de l'éperon barré de Lostmarc'h. Ce véritable camp retranché inexpugnable est situé dans la presqu'île de Crozon. Il servit plus tard de refuge à des populations médiévales comme en témoigne la construction subsistante sur l'éperon.


On retrouve ce type de camps défendus de la fin de l’âge du bronze et de l’âge du fer dans de nombreuses régions de France. 
Alors, si au cours d’une balade un lieu semble avoir ces caractéristiques d’un large périmètre inaccessible et d’un petit reste étroit facile à défendre, c’est probablement un éperon barré...
 
 

Granite ou granit ? « e » fait la différence !





Dans la longue phase de préparation de notre périple en Bretagne, j’ai constaté que l’orthographe de cette roche magmatique si présente variait avec ou sans un « e » final. Erreur typographique ? Ce n’est pas possible vu le nombre de reprises. Alors, ignorance ou habitude ?

Le granite est une roche à texture grenue, riche en quartz, qui comporte plus de feldspath alcalin que de plagioclase. Il est caractérisé par sa constitution en minéraux : quartz, feldspaths potassiques (orthoses) et plagioclases, micas (biotite ou muscovite). Le granite et ses roches associées forment l'essentiel de la croûte continentale de la planète. C'est un matériau résistant très utilisé en construction, dallage, décoration, sculpture, sous l'appellation « granit ». Le granite est le résultat du refroidissement lent, en profondeur, de grandes masses de magma, ces derniers affleurant finalement par le jeu de l'érosion qui décape les roches de surface.  Ses minéraux constitutifs sont principalement du quartz, des micas, des feldspaths potassiques et des plagioclases. Ils peuvent contenir également de la hornblende, de la magnétite, du grenat, du zircon et de l'apatite. On dénombre aujourd'hui plus de 500 couleurs de granite différentes.
Voici deux exemples tirés de la sortie géologique de l’Association Vendéenne de Géologie sur la côte de granite rose...
Le fameux granite rose

Le fameux granite rose


Le granite clair de l’Île Longue

Le granite clair de l’Île Longue
Il ne faut pas confondre « granite » et « granit », le premier désignant une roche spécifique, tandis que le second est un terme commercial utilisé dans l'industrie extractive, indépendamment de sa lithologie. Le granit est alors un type de roche non poreuse, imperméable, grenue (constituée de grains visibles à l'œil nu) et cohérente. Des roches très variées peuvent ainsi être commercialisées sous l'appellation « granit » : granite, calcaire, gneiss…

J’utiliserai exclusivement « granite » en voyant les somptueux paysages bretons et ses roches magmatiques si caractéristiques !