vendredi 29 mars 2019

Fontaines et lavoirs

J-7

Une autre surprise est apparue en détaillant finement le parcours le long du sentier des douaniers : c’est le nombre de fontaines et de lavoirs, souvent associés à la présence d’une chapelle ou d’une église...

Les fontaines sacrées semblent remonter à la nuit des temps même si les preuves sont rares. En tous cas, les sources avaient pour les Celtes ce caractère sacré.
 Les saints qui évangélisèrent la Bretagne au début du Moyen Âge se gardèrent bien d’abroger ces anciennes croyances. Rapidement, on leur attribua les pouvoirs des anciennes divinités qui vivaient dans ces fontaines sacrées. A la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, ces fontaines commencèrent à être aménagées, avec des élements architecturaux, une niche pour la statue du saint, parfois un oratoire ou une chapelle. La source pouvait d’ailleurs se trouver dans la chapelle elle-même. Ainsi les fontaines sont souvent dédiées à des saints protecteurs vénérés mais aussi des moines et saints hommes venus au VIème et au VIlème siècles de Cornouailles, du Pays de Galles et d’Irlande. C’est surtout à partir du XVIIème siècle que des petits édifices furent construits au-dessus des résurgences. Ce sont souvent de petites chapelles à ciel ouvert, une niche aménagée dans la pierre sert d’abri à une statue du saint patron. 
 

Ainsi en Bretagne,  pour chaque problème ou chaque maladie, il est possible de trouver une fontaine parmi les plus de deux milles recensées dans la péninsule. Pour se soigner, rien de tel que l’eau d’une fontaine de guérison ! 

Il existait aussi des fontaines de divination, notamment pour les prévisions météorologiques. Ainsi la fontaine de Barenton était censé annoncer l’orage, voire porvoquer le tonnerre et la tempête. Dans d’autres fontaines, on laissait tomber un linge. S’il flottait, la guérison allait survenir.



Les fontaines de protection et de bonne fortune étaient nombreuses. D’autres favorisaient les mariages ou la naissance d’enfants. Plusieurs pardons étaient organisés pour les animaux, comme celui des chevaux à Goudelin, où les bêtes sont bénies dans l’eau de la fontaine.

La plus polyvalente des fontaines sacrées est celle des Sept-Saints, à Bulat-Pestivien. L’eau de la sources s’écoule dans sept bassins, chacun consacré à un saint guérissant un mal différent. 
 



 
 
 
 
«  Quant à moi, encore en jupes, je n’ai bu que l’eau de la chapelle de Lanvern, en Plonéour, qui guérit aussi les maux d’entrailles. Accolée au mur de la chapelle, à l’extérieur, il y a une fontaine dédiée à saint Philibert dont la statue trône en majesté dans la niche de pierre. Une vieille commère, venue dit-on de Saint-Guénolé, débite une formule qu’elle est seule à connaître pendant que les mères trempent dans l’eau les chemises de leurs enfants coliqueux. » 
 Pierre-Jakez Hélias « Le cheval d'orgueil »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les lavoirs sont également très nombreux et souvent associés à une fontaine.
On y décrassait le linge à coup de brosse et de battoir. On mettait ensuite le linge dans un baquet de bois (ar pelez). La cendre de bois (ludu) remplaçait la lessive et le savon grâce à leur richesse en carbonate de potasse, qui constitue un excellent agent nettoyant. Le linge, une fois lavé, était étalé au soleil qui se chargeait de le blanchir et de le sécher.
Les femmes restaient à genoux pendant des heures, exposées aux intempéries, cassées en deux, le corps tendu vers l'eau, donnant des coups de battoir jusqu'à épuisement. Mais le pire était à la fin lorsqu'il fallait ramener à la maison sa brouette remplie de linge trempé.
Sans personne à la maison pour surveiller les enfants, ceux-ci venaient volontiers au lavoir pour aider un peu mais surtout pour jouer.

Ce lavoir était le territoire réservé aux femmes mais aussi le lieu de rencontre. Grâce au lavoir, les femmes pouvaient s'évader de la maison et s'échapper ainsi quelques instants à la surveillance des hommes. C'est au lavoir, que se faisaient et se défaisaient les réputations bonnes ou mauvaises. Quand il s'agissait de commérage, on disait qu'il avait été entendu au doué (lavoir).

La grande lessive n'était faite que tous les mois c’est pourquoi un grand nombre de draps est signalés dans les inventaires de chaque ferme.
Il ne fallait pas aller au lavoir pendant la Semaine Sainte, pour éviter qu’une personne de la maisonnée ne meure dans l'année. De même, faire la lessive quand il y avait un malade dans la maison, c'était l'exposer à mourir.
 

 
«  L’eau se chargeait de cendres et passait à travers le tissu grossier pour aller imprégner et détremper les linges à laver. On laissait la chimie faire son effet pendant la nuit. Le jour suivant, on chargeait le tout sur une charrette et on le conduisait au lavoir. Là, les femmes du village et des environs, armées de leur battoir, venaient apporter leur aide, à charge de revanche. Elles battaient le linge depuis l’aube jusque vers les quatre heures de l’après-midi, sans autre chose dans le corps que la soupe maigre qu’elles avaient avalée avant de partir. Mais les langues ne cessaient pas d’aller bon train. A mesure que les affaires étaient décrassées dans une première eau, elles étaient jetées dans un second lavoir plus petit et plus propre. Quand c’était fini, une femme se dépouillait le bas du corps et descendait dans le lavoir, retroussée jusqu’aux reins, pour ramasser le linge et le tendre aux autres qui l’essoraient. Il y en eut plus d’une qui prit le coup de la mort pour s’être aventurée, suante, dans l’eau froide. »

Pierre-Jakez Hélias « Le Cheval d’Orgueil »





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