Un paramètre qui va influencer la plupart de nos futures étapes sur le chemin des douaniers dépend des marées, c’est l’heure de basse mer (notée BM). Selon le coefficient de marée, l’océan peut découvrir des zones plus ou moins grandes et en particulier permettre l’accès à de nombreuses îles ou îlots à pied. Pour de longues randonnées, c’est aussi l’assurance de marcher en ligne droite sur le terrain dégagé, plutôt plat et de raccourcir certaines étapes.
Les mouvements de marée ont été observés depuis la nuit des temps. Par contre, la compréhension de l’origine des marées est récente sur l’échelle de temps des hommes. Herodote avait observé des marées en Mer Rouge, Alexandre le Grand en Inde. Mais c’est Pythéas qui a observé les grandes marées de l’Océan Atlantique et a fait le lien avec la lune en discutant avec les Celtes. Ce « Marseillais » fit un voyage extraordinaire vers -325 avant JC qui le mena via le détroit de Gibraltar à faire le tour de la Grande Bretagne, à décrire le soleil de minuit et à rejoindre l’île de Thulé. Auparavant, Pythéas détermina la latitude du port (Λακυδω le Lacydon) de Massalia (Μασσαλία) avec une précision incroyable pour l'époque à l’aide d’un gnomon, le plus simple des outils d’observation astronomique. Dix-neuf siècles plus tard, Pierre Gassendi refît les mesures le 21 juin 1638 et trouva une différence de 17’ ; vingt-trois siècles plus tard, la latitude de Marseille est établie à 43° 18′, à 5′ de la valeur calculée par Pythéas, 43° 13′...
Marseille fut ainsi la première ville du monde dont on connut exactement la position géographique ! (*)
Au cours de son voyage, avec un acatium plutôt qu’un pentécontore, Pythéas fit une halte en Bretagne à la latitude de 48°42´ (il nota avec son gnomon portatif la longueur de l’ombre de ce jour qu’il compara à longueur de l’ombre du même jour à Marseille qu’il avait dans sa base de données et trouva ainsi la latitude de son port d’accueil sans attendre sur place une équinoxe). Cette latitude correspond à la latitude de Roscoff, mais c’est probablement le Yaudet (**) qui fut précisément le lieu où il s’arrêta. Je renvoie les lecteurs passionnés par l’immense explorateur que fut Pythéas à la lecture de l'excellent site fort détaillé qui lui est dédié : Pythéas de Marseille. d’où je tire la carte du monde élargi par les apports du célèbre navigateur, géographe, mathématicien et astronome...
En -325 avant JC, la Bretagne était bien décrite avec deux caps, la Grande Bretagne était un triangle que jouxtait l’Irlande, au nord à 6 jours de mer, l’île de Thulé (***). La Norvège, la Suéde et la Finlande était des îles au nord de la mer Baltique... et Massalia était le centre du monde !
Le phénomène des marées serait très simple à calculer s’il ne s’agissait que de mécanique céleste. Mais, il faut également tenir compte de l’inertie du déplacement de l'eau, des effets induits par la marée elle-même et les déformations terrestres, la propagation des ondes différentes induites par des facteurs tels que la force de Coriolis, la taille et la forme des bassins. Ainsi l’ouverture d’un bassin, sa profondeur influent sur l’importance des marées. Pour la Terre, seuls la Lune et le Soleil ont des impacts significatifs, qui s'additionnent ou se contrarient selon les positions respectives de la Terre, de la Lune et du Soleil, et de leur inclinaison. En fait, la Lune est beaucoup plus proche de la Terre que le Soleil, mais a aussi une masse beaucoup plus petite, de telle sorte que leurs attractions sont d'ordres de grandeur comparables : celle du Soleil est environ la moitié de celle de la Lune. Mais, la surface terrestre comme lunaire est sensible aux forces d’attraction qui conduiraient à une amplitude de 40 centimètres de la croûte terrestre et une forme d’ellipsoïde pour la Lune qui expose toujours la même face vide la Terre.
Chose surprenante le phénomène des marées en créant ces mouvements de la structure terrestre et des océans engendre des frottements, cette dissipation d’énergie sous forme de chaleur est prélevée sur l’énergie cinétique de rotation de la Terre. Pour conserver le moment cinétique, la distance Terre-Lune s’accroît de 3,8 centimètres par an... Cette petite réduction de l’énergie cinétique, entraîne un ralentissement de la vitesse de rotation de la Terre qui entraîne un rallongement de la durée des jours. Actuellement, la durée d’une journée augmente d'environ 2 millisecondes par siècle.
Revenons à l’histoire, Posidonios au premier siècle avant J.-C. à Cadix décrivit les trois phénomènes périodiques liés aux marées. Il relia les deux marées quotidiennes aux deux culminations de la Lune ; la période semi-mensuelle aux syzygies avec le Soleil et la période semi-annuelle aux marées d'équinoxe. Il évalua correctement le décalage entre le passage de la Lune et le soulèvement des eaux.
Le marnage est la différence de hauteur d'eau entre le niveau de la pleine mer et celui de la basse mer. La zone alternativement couverte et découverte par la mer, limitée par ces deux niveaux lorsqu'ils sont à leur maximum, est appelée l'estran ou zone de marnage.
Le coefficient de marée varie de 20 à 120, il indique la force de la marée. Le coefficient moyen est 70, 20 pour la plus petite et 120 pour la plus grande possible. La dernière très grande marée eut lieu le 21 mars 2015. Elle afficha un coefficient de 119. Le terme de « marée du siècle» est en réalité « abusif » car ces marées de coefficients 119 ou 120 se produisent en moyenne tous les 18 ans. Les prochaines sont prévues les 3 mars 2033 et 14 mars 2051, avis aux intéressés, motez les dates dans vos calendriers. Cependant, les marées de coefficients autour de 115, plus fréquentes, présentent des marnages équivalents. Par ailleurs, les risques de submersion sont également sensibles aux baisses de pression atmosphérique ( l’élévation de l’océan est estimée à un centimètre pour chaque hectopascal (hPa) en moins), au vent et aux vagues. Autrement dit, un coefficient de marée de 120 en condition anticyclonique est bien moins spectaculaire qu’une PM avec un coefficient de 100 associé à une tempête d’équinoxe...
Les grandes marées ou marées de vives-eaux se produisent lorsque la Lune et le Soleil se trouvent en conjonction ou opposition (syzygie) par rapport à la Terre : ce sont les situations de pleine ou de nouvelle lune. Ce phénomène explique que les plus grandes marées (marées d'équinoxes) ont lieu lors de la première syzygie qui suit l'équinoxe de printemps (21 mars) ou d’automne (21 septembre).
À l’inverse, les marées sont faibles (marées de mortes-eaux) lorsque la Lune est à 90° de l'axe Soleil-Terre (situation de premier ou dernier quartier). De même, les plus faibles marées ont lieu aux alentours des solstices d'été (21 juin) et d'hiver (21 décembre).
Si la hauteur de marnage pour une marée de coefficient 100 est connue, alors il est possible de calculer les hauteurs de basse mer (BM) et pleine mer (PM) à partir du coefficient de la marée considérée.
La hauteur de BM d’une marée est égale au produit de la moitié de la hauteur de marnage coefficient 100 par (120 - coefficient de la marée)/100.
La hauteur de PM de cette marée est égale au produit de la moitié de la hauteur de marnage coefficient 100 par (120 + coefficient de marée)/100.
Le site de Météo Consult Marine délivre gratuitement les informations présentes et futures relatives aux marées du futur. C’est ce qui m’a permis d’envisager des raccourcis et des accès à des îles dès la phase de préparation. Il ne reste plus qu’à marcher !
(*) La longitude n’a été mesurée avec précision qu’au XVIIIème siècle grâce à des chronomètres précis qui ne dérivaient pas sur de longues périodes. À cette époque, il y avait longtemps que les grands navigateurs avaient fait toutes leurs découvertes sans savoir ce qu’ils allaient trouver, à partir de cartes inexistantes ou bien pour le moins fantaisistes...
(**) Le Yaudet est une véritable forteresse naturelle dominant l’estuaire du Léguer qui s’étend sur 10 hectares. Ce lieu stratégique, occupé depuis l’âge du fer, fortifié aux IIIème et IVème siècles et occupé jusqu’au moyen âge, a bénéficié de fouilles archéologiques qui ont révélé la présence de vestiges témoignant d’une fréquentation dès le Mésolithique (entre -10000 et -5000 ). Deux fours de l'Âge du fer y ont été retrouvés par les archéologues comme des monnaies carthaginoises. Pythéas pourrait avoir été guidé par un pilote Carthaginois depuis les colonnes d’Hercule et qui le conduisit jusqu’à ce port. Nous y ferons halte à la fin de la 20ème étape et nous aurons une pensée pour le gnomon de Pythéas...
(***) L’île de Thulé fut décrite par Pythéas comme étant à 6 jours de navigation de la Grande-Bretagne soit environ 900 kilomètres du nord de l’Écosse. C’est probablement l’Islande qui est à la bonne distance... il vit encore plus au nord la banquise, encore une histoire de fada : raconter à Massalia et ailleurs qu’au nord la mer est gelée...
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