Autres éléments côtiers que nous allons voir de près (ou de plus loin) en grand nombre : les phares.
Les côtes bretonnes présentent la plus grande concentration de phares au monde, avec un record dans le Finistère. C’est la dangerosité des lieux qui associe récifs visibles et invisibles, forts courants et importance du trafic maritime qui a conduit à l’établissement de cartes et au signalement des dangers par des phares. La navigation nocturne ou par temps de brouillard étant de loin bien plus dangereuse par la perte des repères visuels. Les phares ont contribué à sécuriser la navigation par tout les temps avec les feux et les cornes de brume.
Les ancêtres des phares proprement dits étaient des feux à ciel ouvert allumés en haut d'une colline. La plus ancienne trace de ces brasiers se trouve dans L'Iliade et L'Odyssée (vers le VIIIème siècle av. J.-C.). Les restes des plus anciens phares identifiés ont été découverts au Pirée (Vème siècle av. J.-C.) et dans l'île de Thasos, en mer Égée (VIème siècle av. J.-C.). Le plus célèbre est le phare d'Alexandrie, construit sur l'île de Pharos vers 280 avant J.-C. ; mesurant plus de 110 mètres de hauteur, et plus de 130 mètres avec la statue qui le surmontait, cet ouvrage monumental, plus tard considéré comme l'une des sept merveilles du monde antique, donna son nom à ce type de construction.
Au XIIIème siècle, l'émergence de cités portuaires puissantes s'accompagne de la création de nouvelles tours à feu. Des foyers sont aménagés aux sommets d’édifices militaires (telle la tour de Constance) voire religieux (tel le phare de Saint-Mathieu), et sont entretenus avec du bois, du charbon, de la tourbe ou de l'huile. Les seigneurs accordent aux militaires ou religieux qui placent un fanal au sommet d'une tour des droits en compensation de l'entretien de ce feu, notamment le droit de bris.
Seulement six phares jalonnent la côte française à la fin du XVIIème siècle, 15 en 1770, année où l’éclairage se faisait encore par un feu de bois sur une plateforme élevée. Il faut près d’une tonne de bois par nuit, on ne l'allume donc pas tout le temps. Le plus souvent, ils ne sont allumés qu'à l'approche d'un navire. C’est cette année qu’une lampe à huile munie d'un réflecteur est testée sur le phare de Sète. Ce procédé, moins onéreux, se répandit rapidement puisque les 15 phares l'utilisaient en 1775. Les phares sont munis d'un réflecteur en cuivre argenté. La portée du phare de Planier à Marseille atteint 28 kilomètres par beau temps.
Le premier système avec lentille de Fresnel est installé le au phare de Cordouan. Les marins sont enthousiastes et un programme général d'éclairage des côtes françaises est lancé. Ainsi, 28 phares de premier ordre avec 60 kilomètres de portée, 5 de second ordre visibles à 40 kilomètres et 18 du troisième ordre avec une visibilité à 28 kilomètres sont construits. À partir de 1843, les miroirs, difficiles à fabriquer et qui s'encrassent facilement, sont remplacés par des prismes annulaires. En 1850, il y a 58 phares sur les côtes françaises : les tours sont de forme circulaire, réduisant la prise au vent pour les plus hautes, ou de forme carrée pour les phares peu élevés.
Le combustible d'éclairage évolue puis arrive l'électrification de l'éclairage. Seuls une vingtaine de phares sont électriques dans le monde en 1885, dont huit en France, quatre en Grande-Bretagne, trois en Russie, les rares autres à Suez, en Australie, au Brésil, en Italie et au Portugal.
Les dernier progrès techniques conduisent à supprimer le gardiennage grâce à la fiabilité des systèmes et le pilotage à distance. L’autonomie électrique par électricité éolienne et solaire a conforté cette exploitation à distance. La dernière évolution est le remplacement des lampes par des LED ayant un bien meilleur rendement et une fiabilité décuplée.
Les gardiens de phare connaissaient souvent au cours de leur carrière un passage par l'enfer, puis le purgatoire avant de gagner le paradis.
Rien de tel qu’une vague déferlante heurtant le phare du Four prise par l’excellent Fabrice Le Borgne pour illustrer le sujet.
Tout le monde se remémore les magnifiques photos qui imagent l’enfer par jour de tempête avec des déferlantes qui atteignent le sommet des phares construits sur un récif en pleine mer. Les gardiens y venaient avec le ravitaillement lorsque les conditions météorologiques rendaient possible le débarquement et le changement d’équipe, à une date incertaine... Ainsi, il est arrivé que les gardiens soient bloqués plus de 100 jours à Ar Men, le phare, baptisé « l'enfer des enfers ». Il est difficile d’imaginer cette vie faite de routine, de proximité et d’isolement. Mais la construction de ces phares en mer a relevé d’un tour de force si l’on considère que l’accès à ces phares demeure toujours périlleux, y amener les matériaux et édifier les phares a nécessité des prouesses de la part des ingénieurs et beaucoup de courage de la part des ouvriers, le plus souvent des marins-pêcheurs locaux.
Mais il y a aussi le « palace des enfers », c’est le phare de Kéréon qui est enté en service en 1916 seulement. Amiclée Lebaudy offrit 580 000 francs à l’administration pour la construction d’un phare entre Molène et Ouessant, à condition qu’il porte le nom de Kéréon. C'était plus de la moitié du prix de la construction. L'administration accepta et lance la construction. Il fut construit sur Fromveur ( en breton la grande frayeur) au sud-est d’Ouessant.Grâce aux dons, le phare fut doter entre autres d'une salle avec un plancher orné d'une rose des vents en marqueterie et des lambris en chêne de Hongrie. je profite d’une photographie de Jean Guichard pour illustrer la vue du « palace ».
Les phares sur les îles, où la vie était plus facile, étaient nommés les « purgatoires ». En effet, l’accès donc le changement d’équipe et la vie familiale étaient bien plus aisés, si on acceptait la vie insulaire.
Vous avez compris que les phares à terre, étaient appelés les « paradis », car il était possible d'y vivre normalement avec sa famille sans être encerclé par l’océan.
Le problème de gestion des ressources humaines était difficile puisque les gardiens arrivés au paradis n’en bougeait guère surtout s’il s’agissait d’une maison phare... de la même manière les gardiens au purgatoire pouvait se satisfaire très longtemps de la vie îlienne comme à Belle-Île... il restait les gardiens de l’enfer qui pouvaient attendre toute leur carrière une mutation vers un monde moins exposé. Ils avaient quand même une meilleure vie que les pêcheurs d’Islande !
Est-ce que le GPS associé à des cartes numérisées très détaillées sera la révolution ultime qui tuera les phares ? C’est fort possible et c’est pourquoi il faut profiter des phares aujourd’hui avant qu’ils ne soient réduits à de simples monuments historiques ou qu’ils risquent la lente destruction zn commençant par les « enfers » dont la maintenance est des plus compliquées et la plus coûteuse.
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